07 - Starfish

07 - Starfish#

Onze. Totalement absurde. Absolument inefficace. C’était le nombre de niveaux de sous-traitance qu’on dénombrait sur le projet Starfish. Lancé en grande pompe douze ans auparavant, ce projet visait à explorer le fond du Pacifique, exclusivement à des fins de prospection minière, à l’aide d’un robot ultra-perfectionné, bardé de caméras et de capteurs. Dès qu’une once de minerai de valeur serait détectée, une armada de robots excavateurs serait envoyés sur zone, avec un respect absolument inexistant pour le bien-être de la faune et de la flore locale — à l’opposé de ce qu’affirmaient les phrases marketing sur les slides de présentation du projet aux investisseurs. Pas un centime d’argent public dans le projet. Plusieurs millions de dollars de lobbying pour l’autoriser. Gül avait été rencardée par son amie Gifty, ingénieure en chef sur la conception du robot prospecteur, sur le fait que le mille-feuille organisationnel était si opaque, et chaque entreprise si obsédée par l’idée de minimiser son investissement actuel et de maximiser son profit futur, que les stratégies les plus osées passaient comme une lettre à la poste. Gül avait envoyé quelques emails à des personnes clés et avait obtenu tous les accès nécessaires pour piloter le robot, ainsi que la procédure permettant de se faire payer tous types de factures. Elle n’avait jamais menti, ou au pire par omission. Elle n’avait jamais reçu d’instructions sur ce qu’elle devait faire, mais elle était là, à jouer avec le robot qui côtoyait les fonds marins, payée chaque jour rubis sur l’ongle. Elle savait que son pilotage était utilisé comme base pour entraîner une IA qui la remplacerait, et s’employait donc à être le plus inefficace possible pour retarder ce moment, tout en dérangeant le moins possible les habitants des lieux. Elle passait donc ses journées à déplacer des cailloux pour écrire, lettre par lettre, de la poésie sur les fonds marins.