08 - Impé-tueuse#
Pendant longtemps, la science-fiction avait imaginé qu’une fois le voyage dans le temps inventé, on tournerait un bouton sur une machine et on serait transporté à la période voulue. Il n’en était rien. Il se trouve qu’après des millénaires de perfectionnement du tir à l’arc en trois dimensions, on avait découvert un procédé pour orienter les flèches différemment dans la quatrième dimension, permettant à celle-ci de se déplacer différemment à travers le temps, et en particulier dans le passé. Pour visiter un point de l’espace-temps, il fallait tirer sa flèche sur une distance d’autant plus longue qu’on voulait voyager loin dans le passé, chaque mètre supplémentaire ajoutant environ dix ans au voyage temporel. Pendant le vol de la flèche, et à mesure qu’elle rembobinait dans le passé, elle s’arrêterait dès que sa position spatio-temporelle coïncidait avec un objet solide. Atteindre sa cible demandait donc à la fois une maîtrise du tir et des recherches historiques précises pour trouver un espace libre de tout mouvement pendant des décennies, ou plus. Humaira était une assassine du temps. Elle devait faire naître des lignes temporelles alternatives, en éliminant à travers le temps celles et ceux qui n’avaient apporté à l’humanité que sang et misère. Aucune mission n’était trop périlleuse, trop complexe. Elle passait parfois plusieurs mois à préparer son tir, en cherchant des photos dans les journaux pour connaître la position précise de sa cible à un instant donné, dans un endroit peu fréquenté. Elle n’avait jamais raté sa cible. Debout sur le balcon au deuxième étage d’un immeuble désaffecté, l’arc bandé, elle visait un petit scotch bleu sur le sol en contrebas, à exactement vingt-et-un mètres et deux cent quarante-huit millimètres de distance. L’une des seules photos horodatées du responsable d’un génocide le plaçait ici, deux cent douze ans auparavant. Un mois après – un centimètre –, la future inventrice d’un traitement révolutionnaire pour guérir du cancer passait au même endroit.